Depuis quelques semaines, le monde agricole se soulève dans plusieurs pays d’Europe, dont la France et l’Allemagne. En Allemagne, c’est la suppression des exonérations fiscales sur les carburants agricoles qui a mis le feu aux poudres. En France, la contestation a pris très largement après des années d’interdictions de produits au-delà de ce que demande la législation européenne. Il y a quelques mois, les Pays-Bas, et plus près de nous la Flandre, ont eu de violents affrontements autour de la limitation des rejets d’azote.
Dans nos contrées également, les agriculteurs entament des actions pour faire entendre leur ras-le-bol, leur épuisement. Le mécontentement croît depuis des mois et la dépression des prix sur les marchés a fini de décider les agriculteurs à faire entendre leur voix.
Que se passe-t-il ? Cette colère provient d’une accumulation d’éléments :
Dégradation de la rentabilité et du revenu
Il y a d’énormes pressions sur la rentabilité des exploitations dans nombre de secteurs agricoles. D’une part, comme toutes les entreprises, les exploitants agricoles ont elles aussi subi l’inflation de leurs outils de production – intrants, énergie, nourriture du bétail, etc. – sans pouvoir forcément les répercuter sur leurs prix de vente. D’autre part, depuis des mois, beaucoup de marchés agricoles ont des prix très bas. Cela touche de nombreuses productions (blé, viande, etc.) comme tous les modèles agricoles. Par exemple, le secteur bio est en crise depuis des mois avec des prix pratiqués parfois au niveau de la production dite conventionnelle.
Cette équation économique compliquée avec un effet de ciseau s’observe ici, conjoncturellement, mais est parfaitement observable sur un temps long : des coûts qui augmentent et un prix de vente qui diminue. Dans une entreprise, cela ne pardonne pas : cela rogne la rentabilité, les marges, les réserves financières et le revenu.
La politique agricole et les normes prises par ailleurs
Cette conjoncture économique défavorable se double d’une autre tendance structurelle celle-là : une avalanche de normes difficilement praticables, qui incitent à ne pas produire (sans trop de compensation) ou lui superpose des contraintes qui rognent également ses marges financières. Pour rappel, l’agriculteur fait marcher son entreprise grâce à la vente de ses productions. Les aides financières de la PAC sont censées l’aider à investir et à compenser certaines interdictions. Le problème est que la PAC impose toujours plus de contraintes, de conditions à l’accès des aides et est, programmation après programmation, toujours plus définancée.
A cela s’ajoutent tous les textes européens (restauration de la nature, règlement SUR, taxation carbone) qui fixent des objectifs très ambitieux, impose beaucoup de bureaucratie en plus et très souvent en ne prévoyant pas les moyens d’y parvenir.
Il y a enfin les accords de libre-échange qui permettent l’arrivée d’importations sur le continent de denrées alimentaires produites dans d’autres conditions qu’ici. Ces produits sont aussi subventionnés d’une manière ou l’autre par leurs autorités publiques. Alors que nous ouvrons à la concurrence, nous baissons le soutien pour nos agriculteurs et leur imposons des contraintes (handicaps) en plus. C’est totalement incohérent et cela implique une distorsion de concurrence intolérable.
Le regard sur la profession
Le regard de la société sur le monde agricole a changé et recèle beaucoup de méfiance. Souvent issue d’une incompréhension sur le métier et ses pratiques, on constate un agribashing. Il est constaté également la circulation de fausses informations dans les médias voire même dans des publications officielles. L’agriculteur semble coupable de beaucoup de maux qui le dépasse largement et cela mine le moral des exploitants.
Les agriculteurs veulent qu’on leur fasse confiance et des solutions à toutes ces contraintes qu’on leur impose. Et nous au MR, nous voulons leur donner les moyens d’atteindre une agriculture durable.
Il faut d’abord remettre sur la table tout ce que nous voulons collectivement : nous devons préserver notre souveraineté agricole, produire de la bonne qualité, en quantité et pour un prix abordable (aspects sociaux et économiques). Cela nécessite que nos agriculteurs puissent vivre de leur activité (aspects économiques) et nous voulons aller vers plus d’intensité environnementale (aspects environnementaux). Soit les trois piliers d’une agriculture durable.
Ensuite, il faut s’en donner les moyens : il est possible d’aller sur la Lune à condition de développer le programme Apollo. Si on vous l’interdit et qu’on vous laisse avec votre vélo, ça ne marchera jamais. Sans un virage complet sur les moyens de la PAC et la méthode pour « verdir » notre continent, nous détruirons notre souveraineté alimentaire, nous importerons la plupart de notre nourriture et, comble de tout, les enjeux environnementaux ne seront plus pris en compte. C’est un comble pour un territoire qui fut la première puissance agricole du monde…
Il ne s’agit pas « d’accompagnement » des agriculteurs. Ce ne sont pas des idiots, ni des enfants. Il faut les armer. Les armer contre leurs homologues d’autres pays qui utilisent eux des substances interdites chez nous et ont des coûts moindres. Si elle ouvre des marchés, l’UE doit pouvoir garantir des clauses miroir pour maintenir une concurrence loyale.
Comment ? Avec une PAC ambitieuse, qui privilégie la production durable dans tous les secteurs. Il faut qu’elle puisse compenser les contraintes qu’elle érige pour des raisons environnementales, de bien-être animal et de santé publique. La PAC est notre contribution commune (nos impôts) pour améliorer notre santé et notre environnement, mais il n’y a pas de raison que les agriculteurs en supportent le coût tout seuls.
Il faut les armer pour aller vers plus d’intensité environnementale en investissant dans les innovations agronomiques, génomiques, les techniques de précision et les pratiques agricoles. On n’atteint pas ces objectifs avec des petits moyens ou une baguette magique. C’est une nouvelle révolution verte qui est demandée : il faut donc s’en donner les moyens. Ainsi, les contraintes absurdes qui pèsent dans la PAC comme l’agriculture de date, c’est-à-dire une agriculture pensée dans un bureau sans tenir compte de l’état des terres et des territoires ou de la météo, doivent être supprimées.
Plus proche de nous, il y a tous les enjeux liés notamment à la transmission des fermes, à la définition de ce qu’est un agriculteur qui doit avoir un accès aux aides et à l’accès à la terre pour pratiquer son métier. Ce dernier est central et nécessite une batterie de mesures concrètes comme des outils juridiques (droit de préférence de la Région wallonne pour la mise à disposition des agriculteurs familiaux, agence du Foncier Agricole Wallon), des règles claires sur l’usage des terres à d’autres fins que les productions agricoles ou encore des mécanismes fiscaux et financiers favorables à la reprise des exploitations. Nous devons absolument rendre le métier attractif aux jeunes si nous voulons garder une agriculture familiale.
Manger, c’est trois fois par jour et pour chacun d’entre nous. On ne tue pas ceux qui nous nourrissent.
Ce sont ces points que nos ministres défendront lors de cette présidence européenne. Ce sont ces points que nous portons dans notre programme pour l’Europe, le Fédéral et la Région.
Pour réaliser des grandes transformations, il y a deux solutions, la liberté ou la norme. Soit on fait confiance aux ingénieurs du vivant et on leur donne des moyens, soit on leur dicte leur métier à partir de l’administration.
Le MR a choisi son camp.
site MR.be